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Masterclass Oeildeep : Elles étaient une fois les 3 ELLES…Tamachaôts par Djamila Beldjoudi-Calin

Temps de lecture estimé : 9mins

Cette semaine, nous poursuivons la restitution de la Masterclass Oeildeep qui vient d’être finalisée. Au total ce sont neuf séries que nous vous présenterons au fil des semaines. Après la série « Eỳjh » de la photographe Maguy Bovier, voici le second acte d’un conte photographique kabyle qui retrace le fil de 3 générations de femmes au sein d’une même famille « Elles étaient une fois les 3 ELLES…Tamachaôts » de la photographe franco-algérienne, Djamila Beldjoudi-Calin. Cette rubrique vous est consacrée, si vous souhaitez partager vos portfolios, n’hésitez pas à nous soumettre vos travaux!

Elles étaient une fois les 3 ELLES… Tamachaôts

Conte photographique kabyle qui retrace le fil des 3 générations : que reste-t-il ?
Suite de Acte I : « Elle était une fois, Tamachaôts… »
Un dialogue entre mère et fille, une histoire de transmission.

Du point de départ aux retrouvailles, le cheminement.

Inanimé, figé, notre passé n’est pas passé,
Avenir iront d’elles,
Nos larmes envolées, aux graines écrasées,
Nos âmes en miroir liées entre elles,
À jamais, en paix.
Djamila Beldjoudi-Calin

« Elles étaient une fois les 3 elles qui n’avaient pas d’album de famille… »

Je tente, à travers ce voyage, de recréer une histoire commune et de continuer à tisser ce lien de transmission et de tradition filiale entre mères et filles après 18 ans de rupture. Comme pour combler un manque, je capte tout ce que je peux à chaque étape de l’exploration : les retrouvailles, les ambiances sonores, les voix lors de témoignages, les paysages, les rencontres improbables, les objets oubliés retrouvés…réunis dans un film, afin de continuer cette forme de tradition orale. Nous n’avons pas d’album de famille.

Le point de départ est un « conte à rebours » : du présent, par le questionnement d’Amélia génération Z, qui remonte dans le temps vers le passé, suivi de l’incapacité de ma propre génération des beurs à lui répondre, jusqu’à ma mère « génération guerre d’Algérie » où la parole a du mal à se délier, se poursuivant par la recherche éperdue de traces laissées par ma grand-mère maternelle que je n’ai pas connue « génération colonisation » un passé qui n’est pas encore passé. Reste ce futur qui devient présent aujourd’hui.

Le cadre est le village, les lieux de vies de ma mère et de passages d’ Amélia et moi en Algérie.
Ma voix, mélangée à celle de ma fille Amélia, de ma Yema Mébarka à celle des femmes du village retrouvé. Comme une épopée qui a bien existé et qui permettra l’éclosion des histoires d’aujourd’hui : celles des exilées qui ne le sont plus, celles des femmes qui osent enfin vivre pleinement avec les deux cultures.

Amachao, Tamachaôts.
Dans certaines régions de Kabylie, avant d’entamer un conte, la conteuse prononce une formule magique : « Amachao , Tamachaôts », c’est le « sésame ouvre toi ». Une invitation à entrer dans l’ouverture de la porte, peu importe la destination, c’est le voyage qui compte. Habituellement dans mon travail de photographe, je raconte les histoires des autres à travers ma vision du monde. Pour la première fois, elle est mienne. Tamachaôts, qui veut dire « elle était une fois » en kabyle, se veut un conte photographique autour de l’exil et une quête d’identité entre l’Algérie et la France.
Une histoire sur fond de une rupture de 18 ans de silence, entre une mère et sa fille. Une histoire commune. Mon histoire me parait simple, tendre et parfois tragique qui tente de mettre des mots et des images sur les blessures de l’exil de ma mère, pour apaiser le passé et oser exister.

Amélia et moi.
Elle était une fois Amélia 16 ans, ma fille génération Z, née à Paris d’un père d’ origine tourangelle et d’une maman née en France, d’origine algérienne et Kabyle, que la question sur notre mémoire familiale s’est posée. Confrontée aux regards des autres et en recherche de son identité, Amélia me posa des questions auxquelles je n’ai eu que peu de réponses à lui apporter. Malgré toute mon attention à l’ accompagner en tant que maman pour ouvrir son regard au monde, j’en avais oublié le mien. Celui d’où je viens.
Chez nous, l’héritage ancestral se réalise de mère en fille, « c’est une civilisation du verbe, le verbal art » disait Mouloud Mammeri, on accorde une importance considérable à la parole. Ma mère m’a transmis la langue Tamazight, sa vision de son monde, les traditions et ce quelque chose indicible remontant à la surface à chaque combat que je mène en tant que femme. Qu’en ai je fait ? Quelle trace reste-t-il pour transmettre à Amélia ma fille malgré ce silence de 18 ans avec ma mère ?

Identité hybride, celle qui nous relie.
Entre une identité héritée et la réalisation de soi, je me suis plongée dans un voyage initiatique et mémorielle au coeur de mon histoire familiale, en forme de (en)quête entre une mère et sa fille : de de ma Yema arrivée en France avec un baluchon disait-elle pour du provisoire, à mon histoire de jeune « beurette » et celle de ma fille Amélia génération Z. Une enquête avec plusieurs inconnues : pas de photographies, peu d’objets retrouvés. Comme si on avait soigneusement effacé les traces.
Tel un « conte » à rebours, entre fiction et réalité, je mets en scène ma fille lors du rituel de la mariée kabyle. Rituel qui m’a manqué lorsque je me suis marié. Sept robes successives comme le nombre de jours de la semaine. Une tradition qui se dilue avec le temps et l’exil. Á travers les paroles de ma Yema, aujourd’hui âgée de 81 ans, les chants et la poésie populaire, je tente petit à petit de reconstituer mon histoire familiale à travers des objets, certains m’appartenant ou d’autres collectés auprès de ma famille vivant en France. Puis symboliquement je réunis dans une seule image les trois générations. Mon sentiment est de combler un manque, celui de n’avoir pas ou peu de photographie.

Ma Yema (maman) et moi.
Tadarthiw, mon village d’Érbéa à Tazla, l’endroit où je reviens.
Ma recherche me relie à la terre de mes aïeux, je retourne à plusieurs reprises en Kabylie, dans le village de mes parents où j’allais en vacances : Erbéa, village classé avec ses neuf siècles d’histoire. Je fais le portrait de ma mère dans ses lieux lieux de vie en Algérie et France…Entre deux rives, le fameux entre-deux douloureux où le choix est impossible de ce provisoire qui dure en France. Ensuite Tazla, dans le village inconnu de ma Jida (Grand-mère) Zohra que je n’ai pas connue et où Yema n’était plus retournée depuis 80 ans. Une empreinte indélébile de la naissance de Zohra. Il n’ y a aucune image d’elle ou objet lui appartenant. Je tente encore à travers les paroles de ceux qui restent et qui l’ont connu de lui donner vie dans mon imaginaire.
Le souvenir qui me reste est l’appel de ma grand-tante Jida Yamina prête à nous raconter des histoires « Amachao, Tamachaôts » et qui me répétait « N’oublie jamais d’où tu viens, cela t’aidera à bien vivre l’avenir ».

« C’est en partie au fil de mes rencontres, que je nourris et aborde mon travail personnel.
Dans les thèmes que j’explore, la notion de temporalité et de relation au corps est un aspect important de ma démarche, à travers la trace écrite et la captation sonore ».

Djamila découvre la photographie à douze ans, dans le quartier Nord de Colombes (près de Paris).
Elle commence par photographier le monde qui l’entoure : l’urbain, la diversité, les habitants, magnifiques acteurs d’une pièce de théâtre interprétant chaque jour le rôle de leur vie. Son quartier, morceau de village dans une ville forme peu à peu son univers. Dans le laboratoire du Centre culturel, où elle réalise des tirages n&b de ses clichés, elle est happée par la magie de l’art photographique.
Elle expose pour la première fois à 14 ans.

Elle décide alors d’en faire son métier et, après des études de photographique, fera ses premières armes à Emap International Magazine et simultanément en tant que pigiste dans la presse en réalisant des reportages notamment en Europe, et plus particulièrement le portrait…Puis dans le milieu de la mode, aux côtés de Peter Lindberg, Mario Testino, ou encore Véronique Damagnez, chez Vogue France. En parallèle, elle met dans son travail d’autrice toute sa sensibilité au service de combats qui la touchent : le domaine social ( identité, regard des autres, la différence), la représentation du corps, la condition féminine, la mémoire et la transmission.

Son travail se nourrit au gré de ces rencontres lors de résidence, ou en tant qu’’artiste intervenante d’atelier artistique lors d’atelier de créations auprès de publics – dits – sensibles.

L’accès à la culture pour tous est un versant important dans sa démarche : pouvoir embarquer et partager avec « l’autre » en respectant sa singularité pluriel.le.s, un voyage photographique.

Photographe et citoyenne engagée auprès de diverses instances du handicap et des maladies rares, Djamila est aussi co-fondatrice de l’association « Les SoliDad’s » qui a pour but de sensibiliser le grand public à la situation des enfants et celles des aidants familiaux. Elle souhaite allié ses deux compétences pour relier

https://www.djamilacalinphotographe.com
https://www.instagram.com/djamcalin/ | https://www.facebook.com/DjamilaBeldjoudiCalin


Vous souhaitez participer aux prochaines masterclass ?

  • 6 mois d’accompagnement artistique et technique adapté à vos objectifs et votre parcours
  • 3 professionnels s’impliquent et vous guident dans la construction de votre projet photographique de la conception à la finalisation : prise de vue, editing, post-production, mise en forme pour exposition, publication, projection
  • Alternance de week-ends en groupe à Paris et d’un suivi individuel par skype
  • Restitution de fin de masterclass: projection lors de la semaine d’ouverture des Rencontres de la photographique d’Arles et publication de chaque portfolio sur le site de notre partenaire 9 Lives Magazine.

https://oeildeep.com/masterclass


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Comment participer ?
Pour soumettre votre travail à la rédaction, il vous suffit d’envoyer à info@9lives-magazine.com

• Une série composée de 10 à 20 images. Vos fichiers doivent être en 72DPI au format JPG avec une taille de 2000 pixels dans la plus grande partie de l’image ;
• Des légendes (s’il y a) ;
• Un texte de présentation de votre série (pas de format maximum ou minimum) ;
• Une courte biographie avec les coordonnées que vous souhaitez rendre public (site web, email, réseaux sociaux…)

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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