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Pour sa première carte blanche, notre invitée de la semaine Florence Reckinger-Taddeï, la fondatrice et présidente de Lët’z Arles et du Luxembourg Photography Award, nous présente l’exposition « L’ordre des choses » du photographe luxembourgeois et lauréat 2024 du Luxembourg Photography Award, Michel Medinger qui se déroulera à l’occasion du festival des Rencontres d’Arles à la Chapelle de la Charité. Dans cet article, elle nous parle de la singularité de l’artiste et nous dévoile toute la puissance de son œuvre.

L‘élégance et la singularité de Michel Medinger sont les premières choses que nous offre sa rencontre. Un peu dandy, un peu hippie, avec une dignité un peu loufoque. J’ai tout de suite aimé sa simplicité et sa sophistication. Ses silhouettes multicolores et ses photos noir et blanc.

Alchimiste extravagant, ancien sportif olympique (il a couru aux JO de Tokyo en 1964 sur les traces de son père aux JO de Berlin en 1936), Michel Medinger est aujourd’hui l’un des plus importants photographes luxembourgeois. Autodidacte (combien de temps garde-t-on cette appellation ?), il puise ses références dans l’âge d’or de la peinture néerlandaise, qu’il a pratiquée avant d’empoigner, pour ne plus jamais s’en dessaisir, un appareil photo, en faisant un détour du côté des surréalistes et des dadaïstes.

Michel Medinger, Sans titre, tirage argentique. Collection de l’artiste

Michel Medinger, Pointes Josy Barthel, tirage argentique, 2011. Michel Medinger / AUTAAI, Collection CNA

Michel Medinger a été un grand explorateur de toutes les techniques photographiques, il a développé avec un sens aigu du perfectionnisme tous ses tirages dans son laboratoire et a expérimenté de très nombreux procédés, du Cibachrome en passant par le transfert polaroïd ou encore le platinotype, puisant également dans sa formation de chimiste pour inventer des mélanges inédits et détonants.

Michel Medinger, Reine de la nuit, tirage argentique viré au sélénium, 1991. Michel Medinger / AUTAAI, Collection CNA

J’adore chez lui l’unicité de sa vie de photographe et de sa vie tout court. Son obsession jubilatoire pour les objets hétéroclites dont les acteurs forment son quotidien et son environnement permanent.
Chacune de ses photographies est le fruit d’une mise en scène soigneusement élaborée, qu’il compose à partir de sa fabuleuse et fantasque collection d’objets accumulés année après année dans sa maison, où chaque recoin accueille une part de son univers créatif. Ses étagères sont remplies de vieux outils, squelettes d’oiseaux, fleurs fanées, crânes, bibelots, de fruits et légumes anthropomorphes, inspirés du potager de son père. Tout un abécédaire, dont il emprunte les éléments symboliques au genre pictural des vanités et qu’il manie avec humour, irrévérence, panache et poésie.

Michel Medinger, sans titre, polaroïd, années 1990. Collection de l’artiste

Michel Medinger, Le Repos du guerrier, tirage argentique viré au sélénium, 1994. Michel Medinger / AUTAAI, Collection CNA

Les associations d’objets, étranges et incongrues qu’il imagine, fabriquent des images surprenantes, parfois inquiétantes. Des photographies où la fantaisie, l’érotisme et la mort se côtoient en permanence. Un objet banal du quotidien prend soudain forme humaine et nous rappelle les grandes questions la condition humaine. Ses œuvres-allégories célèbrent à la fois la précarité, la fragilité et la beauté de l’existence.

Michel Medinger, L’Agonie, tirage argentique, 1989. Collection de l’artiste

Michel Medinger, sans titre, Collection de l’artiste

Michel Medinger et sa maison, son plus grand terrain de jeu créatif, cet abri de possibilités infinies, son for intérieur. Sa maison fourmille d’objets insolites, ou que l’intervention de Michel rend insolites. Une grenouille séchée et ratatinée rapportée de Chine, des crucifix et des vierges en veux-tu en voilà, des petits squelettes d’animaux, des fleurs mieux que séchées, des corbeaux empaillés, en résine, en plastique, l’inventaire est infini…

Armand Questch, sans titre [Maison de Michel Medinger], photographie numérique, 2023. © Armand Quetsch / CNA

L’exposition-installation qui lui est consacrée à Arles sous le commissariat de Sylvie Meunier réunira une sélection de magnifiques tirages de l’artiste et les objets hallucinants de son quotidien, sous la forme d’un monumental autel-cabinet de curiosité. La Chapelle de la Charité devient la maison flamboyante et divine du grand Michel, auréolé et sacro-saint parmi les païens ! Gloire à toi Michel que j’aime !
Ne ratez par Michel Medinger – L’ordre des choses, du 1er juillet au 29 septembre, à la chapelle de la Charité, dans le cadre des 55èmes Rencontres d’Arles.
Michel en son for intérieur par Florence Reckinger Taddeï dans le livre Michel Medinger, Lord of Things édité par Palaisbooks. Textes de Paul di Felice, Cyrille Putman et Florence Reckinger Taddeï.

Les mots

Le bonheur d’imaginer une exposition sur les curiosités de Michel Medinger n’aurait pu être complet sans mots. Sans mots qui restent.
En voilà quelques uns écrits de la plume juste et malicieuse de Cyrille Putman, scientifique et amicale de Paul di Felice et la mienne, pleine de reconnaissance et d’admiration.
La publication Michel Medinger – Lord of Things, qui accompagne l’exposition prend ses racines dans les travaux méconnus, pour certains inédits, de Michel Medinger découverts lors de recherches menées par Sylvie Meunier et Krystyna Dul, dans les riches archives personnelles du photographe. Nous avions à cœur d’ouvrir la porte de Michel, de présenter l’homme et son art, indissociablement attachants.

© Yann Linsart, Palais books

Grâce à une collaboration exceptionnelle avec Isabelle Faber de POST Luxembourg, des timbres reprenant des photographies de Michel Medinger sera éditée en série limitée. Elle se compose d’un ensemble de photographies autour de la thématique du sport et de ses natures mortes emblématiques. Espérons que cela donnera envie de s’écrire !

© Yann Linsart, Palais books

À Luxembourg, de merveilleuses photos de Michel ponctuent les promenades dans le Parc de Merl tout l’été durant grâce aux équipes formidable de la Ville de Luxembourg, des images issues de la collection du Centre National de l’Audiovisuel et de la Ville de Luxembourg.

Michel Medinger, sans titre, tirage argentique, années 1980. Michel Medinger / AUTAAI, Collection CNA

Michel Medinger, Aspelt II, tirage argentique, années 1980. Michel Medinger / AUTAAI, Collection CNA

Et puis, comble de la délicatesse, immense émotion que l’idée pleine d’amour d’Isabelle Medinger, l’une des deux filles adorées de l’artiste : emmener le monde vers son père, lui qui a du malheureusement s’en éloigner un peu et quitter son nid. Pour la première fois, de grandes photos ont été installées dans le jardin de l’Hospice de Hamm, où il réside désormais. Nous avons inauguré ce parcours il y a quelques jours, sous un tir groupé de tous ses vieux amis photographes, de ses amis tout court et des pensionnaires médusés et enchantés. L’exposition durera autant que celle des Rencontres d’Arles ; c’est la moindre des politesses. Michel était là, vraiment là, sa casquette poulpe vissée sur la tête, en couleurs et chaussettes à pois, nous rendant l’idée d’Arles sans lui beaucoup plus légère. Merci…

© Ville de Luxembourg – Tom Jungbluth

Michel en fauteuil avec Isabelle Medinger, et Florence Reckinger-Taddeï © Marion Dessard

INFORMATIONS PRATIQUES
Lord of Things
Michel Medinger
Du 1er juillet au 29 septembre 2024
Chapelle de la Charité
9 Bd des Lices
13200 Arles
https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/1537/michel-medinger
https://letzarles.lu/

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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