Christine Ollier et son équipe ont inauguré la cinquième édition du Champ des Impossibles, ouvrant au public une quinzaine d’expositions dont la thématique centrale est l’enfance, l’adolescence et les épopées familiales. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .05 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, nous finalisons cette visite avec l’artiste plasticienne Elisabeth Lincot qui interroge notre rapport à la nature et plus généralement les rapports de force dans notre société.

Artiste plasticienne émergente, Elisabeth Lincot recourt à une large palette de techniques – dessin, peinture, installations et sculpture en céramique – pour évoquer un univers naturaliste, peuplé d’oiseaux et de figures humaines. Son engagement artistique est le fruit d’un engagement social, politique et éthique, et d’une démarche militante, associative, féministe et écologiste. « Mes idées et sources d’inspiration sont issues d’un ressenti contemporain. J’interroge notre rapport à la nature, nos modes de consommation et les rapports de domination et de force, à la fois dans nos sphères intimes et publiques. Je travaille sur la place de la petite fille et de la femme dans notre société. Et bien sûr, cet engagement se reflète dans ma manière de gérer mon atelier : j’utilise dès que cela est possible de la terre locale que je recycle, comme l’émail, j’économise l’eau et l’électricité. »

Exposition de Elisabeth Lincot à l’église de Courthioust © Olivier Steigel

Diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2016, Elisabeth Lincot s’est formée en dessin et peinture dans l’atelier de Philippe Cognée et à la céramique auprès de Claude Dumas. Pendant ses études, elle fut également assistante de deux artistes et s’est également consacrée à l’animation pour des jeunes publics.

L’artiste se qualifie elle-même de « chercheuse obsessionnelle » : elle expérimente sans relâche, à la recherche des moyens d’exprimer précisément son propos. Par exemple, elle utilise fréquemment la figure d’un oiseau, symbole de liberté et de mouvement, notamment dans des installations reproduisant des « explosions d’oiseaux », sorte d’amas d’ailes où apparaissent également des figures humaines et des végétaux. « Je démarre toujours par un dessin préparatoire, où j’explore l’idée, la forme, l’expression, les couleurs et la lumière. En général, je m’y tiens, mais souvent de nouvelles idées surgissent au moment du modelage. Ma responsabilité d’artiste est de révéler des possibles. J’ai besoin d’intégrer des strates de sens dans mes réalisations, comme des perches tendues vers l’autre. J’ai besoin que cette matière que je donne à voir apporte un point de vue différent. »

Elle explique également qu’elle souhaite conserver dans ses œuvres son regard d’enfant, tout en apportant un point de vue personnel, comme une pierre à un édifice. « Mon projet artistique est une forme d’action, voire d’activisme. Le terrain est miné, mais il y a toujours une manière d’entrer en résistance contre toute forme de domination. »

Bulleuse #6, 2021 © Christian Rossard

A l’église de Courthioust – Champ des Impossibles

L’artiste crée des personnages en céramique (le plus souvent des bustes et des portraits) qu’elle met en scène dans un décor créé à base de peinture et de dessin. Ce sont des petites filles, sans esthétique visible de genre. « Je les appelle les « bulleuses » : des personnages figuratifs modelés en creux (c’est à dire sans moulage) dont l’attitude est fermée, voire insolente ou boudeuse. Je cible ici les clichés liés à la place d’une petite fille dans une famille ou la société : elle ne doit pas être bruyante ni turbulente, elle doit avoir une vie intérieure… Les miennes sont dans leur bulle, mais celle-ci est sur le point d’exploser… Mon engagement ici est d’ouvrir une porte de réflexion et de questionnement par rapport à ces injonctions. »

Cet engagement artistique découle de la volonté de l’artiste de résister à la violence et à la domination toxique des idées patriarcales et suprématistes qui écrasent la femme et la nature. Son univers est empreint de fantaisie, d’étrangeté, de candeur et de désenchantement, et s’attache à la fragilité de la beauté, au regard frondeur d’un enfant ou au battement d’aile d’un oiseau en fuite.

Exposition de Elisabeth Lincot à l’église de Courthioust © Olivier Steigel

Dans le cadre du Champ des Impossibles, Elisabeth Lincot expose quelques « bulleuses », ainsi que des bustes monochromes réalisés en grès noir, pour répondre à la pureté et à la simplicité de l’église millénaire de Courthioust.

« La lumière particulière de cette église dévoile les volumes de mes sculptures et installations. Ce sont des figures allégoriques, un peu comme celles qu’on peut trouver dans des parcs publics, très genrées. Mais les miennes n’ont pas de genre apparent et sont réalisées en terre brute et en mono-cuisson. Ce sont des enfants, dans des positions passives mais très expressives. »

Elisabeth Lincot a remporté le prix du jury et le prix du public au salon de céramique contemporaine « C14 Paris » en 2018, ainsi que la Médaille d’or de la section naturaliste au salon des Beaux-Arts de Paris en 2022. Elle est également professeure d’arts plastiques et intervient en tant que médiatrice culturelle après du jeune public.

Plus d’informations :
http://www.lechampdesimpossibles.com/
https://www.elisabethlincot.fr/

INFORMATIONS PRATIQUES

sam27avr(avr 27)10 h 00 mindim02jui(jui 2)18 h 00 minLe Champ des Impossibles .05Parcours Art et Patrimoine en Perche .03Moulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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