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Galeristes, un modèle à taille humaine et de vrais passeurs à défendre 1/2

Stéphane Corréard © Fabrice Gousset
Temps de lecture estimé : 6mins

Ex Mr Salon de Montrouge qu’il a mis sur orbite, Stéphane Corréard nous reçoit à son nouveau bureau de la maison de vente PIASA dont il vient de prendre la direction du Département Art moderne et contemporain. L’occasion de nous dévoiler les lignes de force de la foire GALERISTES dont il est l’initiateur. Conversation sans faux semblant et à bâtons rompus avec ce passionné et défricheur infatigable.


Quels sont les critères d’une foire réussie ?

Stéphane Corréard : Tout dépend des fondamentaux du projet. Pour Galeristes en tous cas le pari sera réussi si elle permet de : consolider les liens galeristes/collectionneurs, et susciter de nouvelles vocations de collectionneurs, appelées à se développer dans le temps. Tout va se jouer dès le jeudi 8 décembre avec la soirée privée appelée « Premier Cercle » qui réunit les collectionneurs les plus fidèles des galeries, ceux dont les goûts entrent en résonnance avec la ligne du galeriste, et sa singularité.

J’ai toujours été convaincu (ayant eu une galerie pendant 8 ans) que tout l’enjeu réside d’opérer à une échelle mondiale, ce qui est particulièrement exigeant pour une petite structure, sans négliger son réseau de proximité. Je pense fondamentalement que ce marché reste un commerce de proximité avec comme soutiens les plus fidèles les clients récurrents qui adhèrent au projet artistique et se sentent en empathie avec le galeriste. On se rend compte que l’on va toujours chercher au bout du monde ce qui se retrouve au coin de la rue ! En discutant avec des collectionneurs réguliers, j’ai découvert qu’ils ne pratiquaient en moyenne que la moitié des galeries répertoriées par Galeries Mode d’Emploi. D’où l’importance de revenir à la base de ce qui distingue une galerie, une personnalité. Par exemple peu de gens savent que Christophe Gaillard était chanteur d’opéra avant d’être galeriste, ce qui peut permettre à un mélomane un point d’entrée avec lui pour ensuite se découvrir d’autres affinités en art. De la même manière avec un amateur d’oenologie, d’art africain, de poésie, ce qui fait la richesse de ces parcours de galeristes trop souvent perçus uniquement comme des commerçants. Je voulais aussi que Galeristes ressemble un peu à un casting de films français de la bonne époque, avec ces second rôles qui donnaient toute la saveur à l’ensemble. Pour l’art c’est chaque individu qui donne une couleur particulière à ce milieu qui ne serait pas le même sans Suzanne Tarasiève ou Catherine Thieck, des gens qui ont une histoire personnelle incroyable.

D’où vient le titre Galeristes ?

SC : C’est un titre que j’ai emprunté à la collectionneuse et historienne Anne Martin-Fugier (à qui j’ai proposé de faire partie du comité de sélection) qui a publié une trilogie chez Actes Sud dont un tome s’appelle Galeristes autour de 13 entretiens menés. Quand j’ai lu ce livre je me suis précipité pour aller voir toutes les galeries avec l’envie d’en rouvrir une moi même ! J’ai toujours souffert, quand j’étais galeriste et après, du manque de considération dont on les gratifie.

Vous avez construit votre offre sur l’exclusion de certaines galeries françaises à la Fiac, or on a remarqué le retour de certaines cette année, peut être pas dans des conditions optimales, mais n’est ce pas un peu paradoxal ?

SC: Ca ne l’est pas dans la mesure où je n’ai pas voulu m’inscrire en même temps qu’un autre événement car j’estime que l’on n’est en concurrence avec aucune autre manifestation existante.  D’ailleurs on a plusieurs galeries qui font simultanément la Fiac, comme Christophe Gaillard, Sémiose, Hervé Loevenbruck par exemple. C’est vrai que les foires dites internationales vont mécaniquement vers la puissance de frappe, qu’elle soit financière, médiatique. Ce sont donc les plus grands stands, les œuvres les plus spectaculaires qui finissent par ressortir, comme dans le vin lors d’une dégustation à l’aveugle où ce sont les vins les plus alcoolisés, les plus sucrés et les plus vanillés qui se détachent. Pour des vins un peu plus fragiles avec plus de caractère, de subtilité, il faut d’autres formats, d’autres atmosphères. C’est ce que j’ai voulu offrir avec Galeristes. D’abord et ce qui est différent de toutes les autres, une foire réservée aux galeries du 1er marché (ce qui n’est pas le cas de la FIAC ou Bâle) et de taille humaine. Je me suis un peu inspiré du modèle des indépendants dans le cinéma par exemple qui ont des mécanismes, des manifestations qui leur sont réservés alors que paradoxalement dans l’art il n’y avait aucune offre pour permettre au public de rencontrer ces indépendants (exception faite aux foires Off dédiées à l’émergence et aux refusés). Mon idée était de partir des professionnels même, sans l’ambition de peser sur ce que les galeries montrent, comme cela se pratique à coup de simulations 3D, de plans. Ce qui génère un système pernicieux à deux vitesses avec des galeries contraintes et orientées dès le départ.

Pourquoi une section « Œuvres monumentales » et qui la finance ?

SC:  Je n’avais pas de présupposé ni de préconçu. L’idée est venue d’une proposition au départ du promoteur Laurent Dumas, patron d’Emerige, impliqué notamment dans le programme « 1 immeuble/1 œuvre » lancé par le Ministère de la culture avec la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) pour proposer à leurs membres les outils pour acheter ou passer commande à des artistes. C’était important pour lui que ce programme ne soit pas uniquement fléché vers les artistes les plus connus ou les galeries les plus puissantes mais ouvert à la diversité. C’est pourquoi le Ministère et la FPI nous ont proposé de faire venir des promoteurs immobiliers à Galeristes, qu’ils puissent établir des connexions et monter des projets futurs. L’idée a donc été de leur montrer des projets à échelle de l’architecture dans une section distincte du parcours, allant de propositions assez traditionnelles comme un bronze de Lupertz (Suzanne Tarasiève) et plus inattendues comme une installation lumineuse de Michel Verjux (Jean Brolly). Tous les mediums et tous les styles peuvent se prêter à ce défi parallèle du salon, sans critère de financement.

 

>> (Suite de l’entretien demain sur 9 lives !)

INFORMATIONS PRATIQUES
Galeristes – Le Salon des Collectionneurs et Galeristes engagés
Du 8 au 11 décembre 2016
Carreau du Temple
4 Rue Eugène Spuller
75003 Paris
http://galeristes.fr

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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