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Rencontre avec Guillaume Désanges, commissaire à la fondation Hermès, Bruxelles

Temps de lecture estimé : 5mins

« Poésie pour l’intuition
Balistique par l’intention,
Poésie par la distance, balistique par le choc
Poésie par évanescence, balistique par la précision (..) »
– Guillaume Désanges extrait de poème 2016

La fondation Hermès développe neuf grands programmes qui articulent savoir-faire, création et transmission. Elle s’engage ainsi pour la production et les artistes, assurant notamment la programmation de 5 espaces d’exposition dans le monde, dont la Verrière à Bruxelles. Guillaume Désanges critique d’art et commissaire indépendant français est le commissaire depuis 2013 de la Verrière inaugurant un nouveau cycle d’exposition « Des gestes de la pensée », suivi par le cycle « Poésie balistique ». Nous l’avons rencontré à Bruxelles la veille de l’ouverture de la 4ème exposition de ce cycle dédiée au britannique Tris Vonna-Michell qui avait déjà été présenté dans l’exposition inaugurale du cycle en avril 2016.

Des aquariums comme des light-box, des fantômes d’images qui flottent, une archive dormante et muette, il est bon de poser quelques jalons avant de se lancer dans ce jeu d’énigmes visuelles et sonores, diurnes et nocturnes, rationnelles et intuitives.

9 lives : En quoi l’univers de Tris Vonna-Michell entre t-il en résonnance avec votre cycle Poésie balistique conçu pour la fondation Hermès ?

Guillaume Désanges : Il faudrait plutôt dire que c’est le cycle Poésie balistique qui entre en résonnance avec l’univers de Tris Vonna-Michell, l’un des artistes qui m’a inspiré l’idée du projet aux côtés de la poésie concrète et de l’art minimal. Ce jeune artiste, contrairement aux générations précédentes qui séparaient l’art conceptuel ou la pratique documentaire de la question poétique, et même s’il est issu de ces problématiques, affirme une poétique de la restitution ou de la forme. Il est au cœur de ces enjeux qui entendent dépasser cette opposition entre conceptuel, minimalisme et poésie.

9 lives : Le titre « Punctuations & perforations » agit comme le déclencheur de ce voyage sensoriel, qui en est à l’origine ?

GD : C’est l’artiste qui l’a choisi, reprenant le titre d’un projet non présent dans l’exposition. Ce titre polyphonique agit à plusieurs endroits comme une allusion au rythme de la musique, de la poésie et notamment sonore, avec un lien avec ces cartes téléphoniques que l’artiste utilisait au Japon dont les perforations définissaient son temps de parole lors de ses conversations téléphoniques. Un temps de parole comme un temps de partition musicale et l’on songe aux partitions des orgues de barbarie. « Punctuations & perforations » incarne donc l’idée du temps qui passe mais aussi l’idée de la pellicule du film et de la photographie, objets perforés qui permettent de gérer le temps. Rapport à l’image, à la poésie, à la musique, à la partition, très en écho avec l’exposition.

9 lives : Comment la problématique de l’image se trouve t-elle au cœur de l’exposition et de la démarche de l’artiste ?

GD : La problématique de l’image innerve toute l’exposition à travers des images fixes ou animés et la question de la photographie par ailleurs est au cœur du travail de Tris Vonna-Michell puisque son travail est issu d’une démarche originellement photographique. Ses premiers travaux étaient des productions photographiques à partir desquelles la parole, la poésie puis le récit sont venus prendre le relais de l’image animée. Petit à peu une sorte d’accointance et de symbiose s’est instaurée entre l’image et le récit.

9 lives : Quels sont les enjeux et objectifs de ce cycle Poésie balistique et à quelle phase en est-il ?

GD : Le cycle est dans son premier tiers avec un objectif résumé par le poème que j’ai rédigé pour l’exposition inaugurale dans le Journal de la Verrière. Le titre est un oxymore réunissant deux termes a priori opposés et que j’ai associés dans une forme de tension. L’idée est de montrer des œuvres qui dans une logique d’art conceptuel ont un programme, un projet, une logique a priori rationnelle mais dont le résultat, la forme finale échappe à ce programme et vient à en masquer toute une partie. C’est ce que j’appelle la poésie dans ce cycle, ce qui échappe au discours, à la logique, presque au delà de la compréhension, de la connaissance. Tandis que la balistique est quelque chose d’extrêmement tranchant. Des artistes de prime abord difficilement associables mais dont les démarches complexes et profondes vont à un moment par la forme venir briser ce programme et nous toucher directement par l’affect, le poétique.

L’artiste suivante sera l’espagnole Dora Garcia qui travaille sur des questions documentaires au départ mais avec une formulation très minimale et performative. Plus largement, elle s’est positionnée sur cette question de l’art comme une alternative au savoir et à la connaissance et rejoignait donc naturellement ma démarche.

INFOS PRATIQUES :
> Tris Vonna-Michell
« Punctuations & Perforations »
Vidéo de Présentation du cycle Poésie balistique
Jusqu’au 1er juillet 2017
> Prochainement à la Verrière :
Dora Garcia, The Fourth Wall
à partir du 6 octobre 2017
La Verrière
50 boulevard de Waterloo
Bruxelles
Belgique
http://www.fondationdentreprisehermes.org

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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